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Ce que je crois...
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2 avril 2008

Les nations, le monde, l'armée

Le débat est ouvert depuis longtemps, et bat son plein ces jours-ci : de Paris, avec un Nicolas Sarkozy soupçonné de vouloir réintégrer le commandement intégré de l'OTAN dont le général De Gaulle avait claqué la porte (réintégration dont d'ailleurs Jacques Chirac avait lui aussi déjà émis l'hypothèse en 1995), à Kiev où Georges Bush déclarera ces prochains jours soutenir l'adhésion de l'Ukraine à l'Alliance Atlantique, et à Moscou où Vladimir Poutine vocifère contre cette éventualité, il y a des vagues dans le landerneau militaire sur la planète. C'est l'occasion pour moi de dire ici ce que sont mes idées sur la question.

Tout d'abord, tout pacifiste que je suis (entendez par là que je suis catégoriquement opposé à tout comportement belliqueux et que, pour moi, le choix des armes est toujours le mauvais choix), je dois bien admettre que pour toute communauté humaine, la nécessité s'impose de posséder les moyens de se défendre contre une éventuelle agression extérieure.

Pour être crédibles, c'est à dire efficaces en cas de besoin, ces moyens-là ne peuvent être que des forces armées suffisamment nombreuses, puissantes, équipées et entraînées. Cela s'appelle une armée, et dans le monde qui est le nôtre cette armée, toujours pour rester crédible, ne peut pas être que celle d'un seul pays, fût-ce un très grand pays.

Nous avons vécu pendant plus d'un demi-siècle dans un monde bipolarisé, avec deux super-armées qui rivalisaient de puissance et qui, fort heureusement, ne se sont affrontées directement qu'à grands renforts de déclarations et d'ultimatums non suivis d'effets : je veux parler des forces de l'OTAN d'un côté et de l'Armée Rouge de l'autre. Aujourd'hui, cette dernière a suivi la déconfiture de l'empire soviétique et est réduite à peau de chagrin, sauf en termes de puissance de feu nucléaire, ce qui lui confère le maintien d'une vraie dangerosité. Il ne reste plus, cependant, de véritablement efficace sur notre planète que l'armée de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, laquelle se résume en fait à l'armée des Etats Unis d'Amérique autour de laquelle s'agglutinent ponctuellement quelques brigades des forces des autres membres de l'Alliance. Et en raison de cet état de fait, le "commandement intégré" de ladite OTAN est tout naturellement entre les mains de l'Etat Major américain, ce qui fait des autres membres de simples vassaux des USA. C'est la raison profonde qui a conduit le général De Gaulle à quitter ledit commandement intégré dans les années 1960...

Mais le monde est en complète mutation, de nouveaux risques apparaissent à l'horizon avec l'émergence de forces belliqueuses nouvelles, qu'elles soient nationales (Corée du Nord et Iran, pour ne citer qu'eux) ou qu'elles soient purement idéologiques (islamisme et terrorisme international par exemple). Parallèlement, l'organisation encore dramatiquement embryonnaire mais qui s'affirme néanmoins de l'Union Européenne, et la montée en puissance de la Chine et de l'Inde, puis sans doute dans un avenir assez proche d'autres nations dites "émergeantes", modifient en profondeur les réalités géo-stratégiques, et bien sûr les risques de conflits qui en découlent. Ces mutations appellent à l'évidence une refonte des politiques de défense, et à mon sens une réorganisation complète des alliances et des stratégies.

Mais une armée, cela coûte cher,très cher ! Et la plupart des Etats-Nations sont tout simplement incapables d'en supporter le coût, dès lors qu'il s'agit d'équiper et d'entretenir des forces efficaces et véritablement crédibles. En Europe et à l'exception de la Russie, seules la Grande Bretagne, et dans une moindre mesure la France, ont aujourd'hui réussi ce tour de force. Au prix de sacrifices quelquefois insupportables dans d'autres domaines, mais c'est là un tout autre problème. Encore faut-il évidemment relativiser les choses : l'armée britannique comme l'armée française sont malgré tout des nains opérationnels, qui ne sont efficaces que, soit contre des armées de seconde zone comme, par exemple, en Afrique Noire, soit adossées à la puissance de feu des Américains. Mais l'une comme l'autre possède l'arme nucléaire, même de faible puissance, et c'est la raison principale du fait qu'elles comptent encore un peu dans le concert international.

On voit la nécessité évidente de regrouper les forces au sein d'organisations militaires internationales. L'OTAN a le mérite d'exister, mais n'est pas satisfaisante à mon sens. En effet, comme je l'ai dit plus haut, cette Alliance repose de manière quasi exclusive sur l'armée des USA, et fait de l'Europe ni plus ni moins qu'un protectorat américain. Ce n'est pas supportable dans le contexte de compétition économique internationale que nous connaissons. Car les armées ne sont pas qu'un moyen de défense du territoire. Ce sont aussi, et peut-être surtout diront certains, un des piliers de l'indépendance. Une nation dépendante militairement est une nation dépendante économiquement et en termes d'influence internationale.

Mais réunir des forces armées au sein d'une alliance entre plusieurs pays suppose, outre une entente la plus parfaite possible entre ces pays, des intérêts communs à défendre. Sinon, les dissensions réduiraient à néant l'effort commun. C'est pourquoi je pense qu'il serait du meilleur profit pour l'ensemble du monde occidental :

  1. De mettre enfin sur pieds une défense européenne digne de ce nom.
    L'idéal serait évidemment une grande armée européenne, dont notamment les Anglais ne voudront jamais.
    Une brigade internationale sur le modèle de celle franco-allemande qui existe déjà me semble tout à fait insuffisante.
    Un mode d'organisation à mettre au point dans les détails, mais qui conduirait à réunir les Etats Majors des armées des pays membres de l'Union, sous l'autorité politique du Parlement Européen, est une solution envisageable. Je ne doute pas que son élaboration pose de gros problèmes diplomatiques, mais je pense que l'idée est bonne.
  2. D'intégrer ensuite cette structure européenne devenue ainsi crédible dans l'OTAN, en exigeant bien entendu que les Européens soit directement et effectivement partie prenante dans le commandement intégré.
  3. De placer statutairement l'OTAN sous l'autorité de l'ONU. Cela suppose évidemment de faire entrer l'Union Européenne en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité, aux lieux et places des états membres actuellement présents dans cette institution.

Je suis bien conscient qu'en l'état actuel de la diplomatie internationale, le scénario peut paraître totalement utopique.
La création de la Société des Nations en 1919, SDN qui a donné naissance à l'ONU en 1945, ne paraissait pas moins utopique. Elle s'est pourtant réalisée, à cause des intérêts communs des nations de l'époque. Les intérêts des nations occidentales d'aujourd'hui ne sont pas moins communs, et il suffirait d'un peu de volonté politique pour, enfin, parvenir à une organisation mondiale conforme à ces intérêts stratégiques-là...

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Commentaires
C
Dans ce cas, votre vision de l'Europe est cohérente. <br /> <br /> Car ce qui est amusant, chez nombre d'« Européens convaincus » autoproclamés, c'est qu'ils prétendent construire une Union capable de s'abstraire de l'hégémonie anglo-saxonne, tout en rejetant les nations qui la constituent et les projets (comme la Francophonie) qui visent précisément à lutter contre cette hégémonie. L'expression d'« idiots utiles de l'Empire » sied à ces européistes, alliés objectifs de l'américanisation. Utiles et hélas majoritaires.
R
Je suis totalement d'accord avec vous, y compris bien sûr au sujet de la défense de la francophonie, un domaine dans lequel nous devrions avoir honte de notre inactivité ! Les Québécois sont plus actifs que nous, ne serait-ce qu'en bannissant systématiquement les anglicismes, que de notre côté nous cultivons sans vergogne. Un comble !<br /> <br /> Concernant la bataille perdue face à "l'empire anglo saxon", je ne suis malheureusement pas loin de le penser autant que vous...
C
Dans ce cas-là, nous sommes d'accord sur l'Europe qu'il fau(drai)t bâtir, mais je crains que cela ne soit trop tard. Les dirigeants européens ne jurent que par l'anglais, érigé au statut de "langue commune" (alors qu'il est la langue de l'empire anglo-saxon contre lequel l'Europe s'est construite) et tournent ainsi le dos à la devise des pères fondateurs : "unis dans la diversité". <br /> <br /> Ils ne font que suivre les pays d'Europe du Nord, scandinaves ou germaniques, dont certains (Danemark, Suède, Pays-Bas), sont en passe de devenir anglophones. Cela revient à faire de l'Europe des Etats-Unis bis, une réplique forcément de moins bonne facture que l'original.<br /> <br /> Dans ce cas, je me dis que quitte à devenir américains, autant en retirer les avantages, et pas seulement les inconvénients. De façon moins cynique, je pense non seulement que le projet européen doit être redéfini sur la base des nations constitutives de l'Europe, mais aussi que la France doit s'investir davantage dans la Francophonie, qui vise à développer et promouvoir sa langue sur les cinq continents. Un combat qui s'annonce difficile, bien qu'à mon sens capital.
R
Vous n'avez malheureusement pas entièrement tort.<br /> <br /> Pour tout dire, l'Union Européenne à laquelle j'aspire n'est pas celle qui se trame actuellement. J'ai toujours été partisan d'un concept dont s'éloigne hélas de plus en plus la réalité, à savoir une Europe politiquement intégrée, capable de faire contrepoids aux tendances égémoniques de nos "amis" américains.<br /> <br /> Car si vous avez raison de dire que nous sommes culturellement plus proches d'eux que de certains peuples d'Europe, leur politique quasi coloniale à l'égard du reste du monde m'est tout simplement insupportable. Et pour les avoir pratiqués pendant près de dix ans (j'occupais un poste de responsabilité dans une filiale française d'un grand équipementier automobile américain), je peux vous assurer que le concept de colonisation économique et culturelle ne leur est pas du tout étranger, même si bien sûr ils s'en défendent.<br /> <br /> Si néanmoins il se confirmait que notre continent n'était pas capable de s'unifier efficacement contre cette influence-là, et si nous ne parvenions in fine qu'à mettre en oeuvre entre nous une politique de libre échange, et à nous en remettre pour le reste aux dictats de l'Oncle Sam (ou des institutions internationales qu'il contrôle de fait), alors en effet le pragmatisme nous commanderait de ne nous entendre que sur des questions d'intendance (ce que vous appelez une "union a minima"), en incluant les Etats Unis dans cette structure afin de profiter peu ou prou de leur puissance au lieu de s'y opposer en créant la nôtre.<br /> <br /> Peut-être me traiterez-vous de rêveur, mais je veux encore croire que nous sommes capables de mieux que ça, et tout en sachant que ça ne peut que prendre beaucoup de temps (beaucoup trop !), les Etats Unis d'Europe restent mon souhait le plus cher pour notre vieux continent.
C
Je ne m'excuse pas, je voulais simplement dire que mon désaccord portait sur un point de détail.<br /> <br /> En revanche, sur la construction européenne, je vois mal en quoi sa poursuite nous éviterait de devenir les vassaux des Etats-Unis. Au contraire, Bruxelles promeut le tout-anglais, qui va précisément à l'encontre de ce qu'est l'Europe : un continent riche de sa diversité. <br /> <br /> Paradoxalement, ayant pris acte de l'américanisation à laquelle nous promet l'Union européenne, je suis plutôt favorable à une Union occidentale a minima, avec les Etats-Unis donc. <br /> <br /> Elle permettrait à la civilisation occidentale de rester unie face aux périls du siècle à venir, tout en préservant l'intégrité des nations. <br /> <br /> L'Union européenne fait précisément le contraire. <br /> <br /> D'ailleurs, à part la géographie, je ne vois pas ce qui justifie le projet européen : nous sommes culturellement plus proches des Nord-Américains que des Est-Européens, vous ne pensez pas ?
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