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Ce que je crois...
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20 décembre 2008

Quand il faut trouver un cochon de payant.

La cour de cassation, plus haute juridiction française en matière civile, vient de rendre un arrêt dont vont certainement se féliciter bruyamment les écologistes de tous poils. De quoi s'agit-il ?

Il s'agit de l'affaire de l'Erika, ce pétrolier affrêté par Total, qui avait sombré en février 2000 à quelques encablures du littoral breton, et avait provoqué une énorme marée noire.

La commune de Mesquer, en Loire Atlantique, a été la seule à se constituer partie civile pour obtenir le remboursement des frais de nettoyage de ses plages. Jusque là, rien d'anormal, et je considère même qu'il est tout à fait inadmissible de devoir attendre 8 années pour obtenir un jugement condamnant les responsables à indemniser les victimes. Après être passé par les tribunaux de commerce de Nantes et de St Nazaire, la cour d'appel de Rennes, une première fois la cour de cassation qui se "défosse" sur la cour européenne de justice, puis de nouveau la cour de cassation, qui vient de renvoyer l'affaire devant la cour d'appel de Bordeaux en cassant l'arrêt de celle de Rennes. Inimaginable et pourtant vrai...

Cependant, là où je me sens révolté, c'est moins sur la procédure que sur le fond. Je m'explique.

Dans son arrêt, la cour européenne rend implicitement Total unique responsable de la pollution, en lui imputant la charge de donner droit aux prétentions de la commune de Mesquer. Et notre cour de cassation lui emboîte servilement le pas.

Je ne suis pas juriste, mais en tant que citoyen cette situation me parait a priori totalement ubuesque. Total, dans cette affaire, était l'affrêteur de l'Erika, ni son propriétaire ni son armateur. Or, ce n'est pas la cargaison qui a causé le nauffrage, que je sache ? C'est exactement comme si le client d'un transporteur, dont le chauffeur ivre causerait un accident mortel, était rendu responsable de l'accident au motif que le chargement lui appartient et que la victime l'a reçu sur la tête !

En droit international comme en droit français, s'il me reste quelque chose de mes cours, le principe de responsabilité, au civil, repose sur trois "piliers" : un dommage, une faute, et une relation de cause à effet entre la faute et le dommage. Ici, la faute est prouvée. Je ne connais pas suffisamment le dossier pour savoir s'il s'agit d'une faute de navigation ou d'une faute d'entretien du navire. Le dommage lui-aussi est prouvé, c'est évident. Et la relation de cause à effet n'est pas contestable non plus. Il y a donc bien un responsable, qui doit prendre en charge la réparation (financière) du dommage. Tout ça est parfaitement évident. Ce qui l'est moins, c'est qu'on se trompe de fautif, et donc de responsable. Qui a commis la faute ? Soit le propriétaire du navire (s'il y a défaut d'entretien) soit l'armateur (en tant que commettant du capitaine du navire). En aucun cas l'affretteur !

Seulement voilà, qu'il s'agisse de l'armateur ou du propriétaire, nous avons affaire à des personnes, au sens juridique, qu'il va être bien difficile de faire payer ! L'Erika naviguait sous pavillon maltais, l'armateur était italien, la gestion technique était assurée par une société italienne également, tout comme la société de classification chargée des contrôles. Tout ce beau monde se rejette mutuellement les responsabilités, et c'est au final un imbroglio indémélable. Et quand bien même on arriverait à dévider l'écheveau, il y a gros à parier qu'on tomberait au final sur des insolvabilités notoires...

Alors, bien sûr, la solution est éclatante de simplicité : Total est une entreprise florissante, qui a pignon sur rue, et il est bien plus profitable de la déclarer responsable... Le droit dans tout ça ? Qu'importe ! L'application du désormais sacro-saint principe "polueur-payeur" oblige indiscutablement à trouver un "cochon de payant". Il est tout trouvé et il n'y a qu'à le décréter responsable de la pollution, contre toute logique. Lui, au moins, il est solvable, et on en aura enfin terminé avec les jérémiades des écolos. Eclatant de simplicité, vous dis-je !

Reste une inconnue : la décision qui sera rendue par la cour d'appel de Bordeaux. Mais je ne me fais pas beaucoup d'illusions...

N'étant pas juriste, je le répète, il est possible que je me trompe totalement sur le plan du droit. Si c'est le cas, nul doute qu'un spécialiste viendra me porter la contradiction. Il pourra toutefois difficilement me faire changer d'avis sur le plan de la morale.

Dormez en paix, peuple de France. Votre pays est un état de droit...

CE QUE JE CROIS EST MEMBRE DU RESEAU LHC
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Commentaires
M
Eh bien, belle réaction. D'un autre côté, entre idéologues, il est normal que nous ayons ce type d'échanges, qui n'existeraient pas si nous étions posé et rationnels...<br /> <br /> Bon, d'accord sur le fait que ce n'est pas à Total de vérifier ses affréteurs, même si on pourrait envisager qu'elle possède ses propres navires, ce qui lui éviterait les problèmes, mais la sous-traitance est vraiment devenue la règle dans notre monde économique qui vise surtout à rémunérer le capital. Je sais, je fais de l'idéologie, mais je l'assume pleinement.<br /> <br /> Je ne vois pas le rapport avec les comportements des dirigeants politiques.<br /> <br /> Sur les taxis, ton argument est discutable, car je n'ai pas les moyens de vérifier la qualité des personnes, ce qui n'est pas le cas d'une FTN comme Total, qui pourrait le faire si elle le souhaitait. Maintenant, je le répète, je suis d'accord avec ton billet.<br /> <br /> Si les organismes de certification ne marchent pas, il faut quand même bien que la puissance publique s'en mêle à un moment, car elle a la légitimité de mettre en place les contrôles et de vérifier les organismes de certification.<br /> <br /> PS : euh, tu peux nommer mon idéologie, si tant est que tu as pu la déterminer en lisant régulièrement mon blog, je n'en ai pas honte.
R
Il y avait longtemps qu'on n'avait pas entendu la même chanson : la "délibéralisation". Et blablabla et blablabla...<br /> <br /> Le comble c'est que tu commences pas dire que tu es d'accord avec moi. Qu'est-ce que ça serait si c'était le contraire ?<br /> <br /> Quand se décidera-t-on en France à ne pas se précipiter sur la rédaction d'une nouvelle loi, d'un nouveau règlement, la création d'une nouvelle commission ou d'une nouvelle structure administrative ou judiciaire à chaque fois qu'on évoque un problème ? Quand se décidera-t-on enfin à appliquer les lois qui existent avec les outils qui existent avant de se lancer dans une nouvelle aventure, si possible liberticide ?<br /> <br /> Les lois existent. Les outils existent. A quoi ça sert les sociétés de classification ? A quoi ça sert si on se contente de les alimenter financièrement sans contrôler leur fonctionnement ?<br /> <br /> Les dirigeants politiques passent plus de temps à soigner leur future réélection qu'à faire leur travail de dirigeants politiques. Voilà le vrai problème, et aucune nouvelle législation, aucune nouvelle réglementation, aucune délibéralisation n'y changera rien.<br /> <br /> Ce n'était certainement pas à Total de vérifier que l'Erika n'était pas pourri avant de signer le contrat d'affrêtement. Total devrait-il envoyer des inspecteurs pour vérifier l'état de chaque navire avant de contracter ? Quand tu prends un taxi, la loi devrait-elle te contraindre, avant de monter dedans, à faire vérifier par un homme de l'art que les freins sont en bon état, ou bien le contrôle technique obligatoire auquel est assujetti l'artisan taxi est-il suffisant à tes yeux ? Et si les freins lâchent à l'abord d'un passage cloûté et qu'un piéton y perd la vie, devrait-on t'envoyer en taule en tant que responsable parce que tu as choisi une poubelle à moteur, soi-disant pour payer moins cher ?<br /> <br /> C'est le raisonnement typique d'une certaine idéologie, que je préfère ne pas nommer à nouveau, que de toujours prétendre que les états doivent intervenir partout, tout réglementer, tout diriger, et que ça résoudrait tous les problèmes. C'est surtout une philosophie qui a largement démontré son inefficacité. Le rôle des états, une fois de plus, n'est pas de pondre des lois liberticides et contraignantes, en vue essentiellement de trouver des "cochons de payants" comme le dit le titre de mon billet. Une fois de plus, il est d'assurer la sécurité des citoyens dans le plein et entier exercice de leurs libertés. Ici, il était de garantir que la société de certification avait bien fait son boulot, de garantir que l'Erika n'était pas une épave, et d'assurer ainsi la sécurité de Total tout comme des habitants des côtes atlantiques. Une fois de plus, ils ne l'ont pas fait. Et une fois de plus, il se trouvera toujours quelqu'un pour dire qu'ils auraient dû interdire quelque chose de plus et mettre leur nez dans ce qui ne les regarde pas. Et que le problème aurait été réglé. Ben voyons !<br /> <br /> Mais je prêche évidemment dans le désert. A preuve cette décision de "justice" éclatante de bienfondé....<br /> <br /> A bientôt.<br /> <br /> PS1 : Pour ce qui est des pavillons de complaisance, je serai d'accord avec toi sur le seul fait qu'il faut vérifier qu'ils ne nuisent pas à la sécurité. Peu m'importe qu'un pays qui n'a aucune façade maritime "possède" une flotte importante, à condition que tout soit fait dans les règles et que ce soit vérifié.<br /> <br /> PS2 : Pour ce qui est écologistes, ils ont tous beuglé de concert depuis l'origine de cette sinistre affaire pour dire que Total devait payer. C'est en ce sens que je dis qu'ils doivent être contents. Rien de plus.
M
Une remarque supplémentaire, excuse-moi.<br /> <br /> On pourrait quand même dire à Total de ne pas économiser sur le transport vu les dangers. Le recours à des armateurs négligents (cela se sait sur ces marchés) devrait être condamné.<br /> <br /> Pour cela, l'UE pourrait dresser une liste des compagnies pourries, comme elle l'a fait pour les compagnies aériennes, et, si des pétroliers s'évertuent à les utiliser, on pourrait alors les condamner en cas de catastrophe ou les taxer en compensation en permanence. Je suppose que tu vas être contre la taxe, mais la condamnation et les dommages et intérêts seraient une solution médiane.<br /> <br /> En relisant ton article, je ne vois pas en quoi ce jugement pourrait réjouir les écologistes. Ce qui réjouirait les écologistes, c'est qu'on trouve des systèmes remplaçant le pétrole. Le reste, c'est du périphérique.
M
Bizarre, mais je suis d'accord avec toi sur le fond. Il faut cependant que j'analyse l'arrêt en détail. Dommage que tu ne le mettes pas en lien.<br /> <br /> Pour résoudre ces questions, il faudrait délibéraliser le commerce maritime, obliger que les armateurs se mettent sous le pavillon où leur siège social est installé, et casser les pavillons de complaisance. Qu'en penses-tu, René ?<br /> <br /> A bientôt,
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